Les filles c'est comme ci ; les garçons ça fait ça ! Alors qu'à l'heure de la naissance les bébés filles et les bébés garçons arrivent sur terre avec des cerveaux parfaitement identiques et des corps tout à fait semblables, en dehors des organes reproductifs, que se passe-t-il pour que dès le plus jeune âge les uns se passionnent pour le foot quand les autres babillent en jouant à la poupée ? Eléments de réponse avec l'association Questions d'Egalité.

Le 15 mai, à Rennes, Questions d'Egalité proposait une conférence intitulée : « mettre en place l'égalité filles/garçons dès la petite enfance : pourquoi, comment ? » Fin juin, l'association propose une formation sur cette même thématique. Est-ce à dire, donc, que tout se joue dès la naissance ?

Tout, sans doute pas, répondent les sociologues invitées par l'association mais beaucoup de choses, certainement. Car la source des inégalités se trouve dans une éducation différenciée dès le plus âge entre filles et garçons. Et donc, les différences qui peuvent plus tard apparaître comme liées au sexe des enfants ne sont en réalité que culturelles. Or, bien peu de parents et d'éducateurs en sont suffisamment conscients pour adapter leurs pratiques.

artemisiaC'est tout l'enjeu de l'expérimentation « Egalicrèches » mise en place à Toulouse par l'association Artémisia. Et c'est fortes de ce travail en cours depuis plusieurs mois que Sophie Collard et Elsa Arvanitis (nos photos) ont pu présenter à la fois des chiffres et des recommandations.

Arrête de pleurer !

La neurobiologiste Catherine Vidal parle de « plasticité du cerveau » pour décrire combien l'enfant qui vient de naître est encore à construire. En effet, à la naissance, 10% seulement des synapses de l'enfant sont connectés ; ces composants du cerveau vont alors commencer à se développer et continueront tout au long de l'existence. Autrement dit : le cerveau se « fabrique » en fonction de l'environnement de l'enfant et des comportements qu'on l'invite à adopter.

Or, l'association Artémisia l'a mis en lumière dans ses nombreuses observations en crèche, très tôt le petit garçon est sollicité dans des jeux extérieurs, jeux de ballons généralement, alors que la petite fille est cantonnée dans des jeux d'imitation dans des espaces bien délimités ; les premiers développent leurs capacités d'orientation dans l'espace quand les secondes développent le langage. Et très vite on dira d'un garçon puis d'un homme qu'il sait s'orienter alors que la fille ou la femme sera qualifiée de bavarde. Attention, Mars et Vénus ne sont pas loin !

Les premiers surpris par ces observations sont, racontent Elsa Arvanitis et Sophie Collard, les professionnelles elles-mêmes. Dans les crèches observées, tout le personnel est en effet féminin et lors des temps de formation proposés par Artémisia au cours de l'expérimentation, ces femmes ont pu prendre conscience de comportements non réfléchis qui favorisent très tôt cette différenciation des enfants.

Sur près de 7000 interactions observées par les sociologues (entre enfants et entre enfants et adultes), il apparaît que 59% se font d'un adulte vers un petit garçon pour 41% d'un adulte vers une petite fille. De même que, si les petites filles ont tendance à pleurer davantage, on observe que les professionnelles se déplacent plus souvent vers les petits garçons quand ils pleurent (75%) que vers les petites filles (47%) et qu'elles le font plus rapidement. Très vite donc, les filles intègrent qu'elles ont moins d'importance alors que les garçons pensent qu'ils sont très importants aux yeux de l'adulte.

artemisia2Autre constat, dans les espaces collectifs les jouet, et l'espace en général, sont beaucoup plus utilisés par les garçons que par les filles notamment les véhicules (garçons 72%, filles 27%) et sans s'en rendre compte les professionnelles ont tendance à laisser d'abord les garçons accéder aux vélos et autres petites voitures. Quand les filles arrivent, il n'en reste plus !

Pas étonnant en concluent les sociologues qu'à l'âge adulte, les femmes aient plus de difficulté à s'imposer dans le monde professionnel notamment et qu'aux postes de dirigeants d'entreprises de plus de 500 salarié-es on ne trouve que 7% de femmes. Elles rapportent également que dans les interactions qu'elles ont pu observer entre les enfants, les comportements agressifs et l'imposition de l'enfant dans les jeux des autres sont en majorité l'apanage des garçons : 49% des garçons envers les filles ; 26% des garçons envers les garçons ; 15% des filles envers les garçons et 10% des filles entre elles.

Tu vas salir ta robe !

Passée cette phase d'observation, le programme « Egalicrèche » propose aux professionnel-les de réfléchir ensemble à leurs pratiques et de se former afin de gommer ces différences et de permettre aux enfants un accès plus égalitaire à l'éducation.

Les premières recommandations qui leur sont faites sont notamment d'encourager un libre accès de tous les jouets à tous les enfants ; chaque jeu ou jouet permettant un développement différent, ce n'est en effet qu'en les utilisant tous que l'enfant parviendra à développer de la même façon toutes ses compétences.

Par ailleurs, les comportements des adultes vis-à-vis des enfants sont sans cesse à réinterroger. On constate que si les garçons sont plus souvent réprimandés les filles le sont toujours en fonction d'un danger qu'elles pourraient courir (tomber, se salir, se faire mal, etc.) ; inconsciemment les adultes ont intégré qu'un garçon, ça grimpe aux arbres, mais qu'une fille ça doit rester propre et jolie. A eux, donc, de veiller à encourager de la même façon les uns et les autres dans tous les domaines, les performances physiques comme l'aspect extérieur. On peut dire à un petit garçon qu'il sent bon et à une petite fille qu'elle a réussi la plus grande pyramide de cubes de l'année. Et cessons de trouver normal que les garçons marchent plus tôt et que les filles parlent mieux ! Ce n'est pas naturel, c'est juste culturel !

Geneviève ROY

Pour aller plus loin : Questions d'égalité propose une formation les 26 et 27 juin prochain à Rennes pour tous les professionnels de la petite enfance (assistant-es maternel-les, éducateurs-trices de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture, etc.) - contact : 06 74 69 81 57