Récit d'une manifestation antisexiste

Breizh Femmes n'a pas eu jusqu'à présent l'habitude de traiter l'actualité à chaud. Mais ce printemps nous y pousse d'une part par l'intensité du mouvement social dans lequel les femmes ont toute leur place et d'autre part à cause de l'inertie, voire de l'hostilité, d'autres médias locaux. Par ailleurs, depuis une semaine, c'est bien de sexisme dont il s'agit, un sexisme des plus lourds. Or, si nous ne sommes pas là pour couvrir ce type d'actualité, qui le fera ?

Ce matin, donc, nous avons décidé d'accompagner la manifestation qui à l'invitation du collectif FéminismeS de Rennes 2 se proposait d'occuper pacifiquement les rues de Rennes pour dénoncer à la fois la communication d'une enseigne de restauration rapide et soutenir quatre étudiants condamnés vendredi dernier à des peines de prison ferme après avoir eu un différend avec le gérant de ladite enseigne.

Sur la place Hoche, à l'heure du rendez-vous, les troupes sont peu nombreuses et les drapeaux ou autre badge des syndicats et partis politiques quasiment invisibles à deux exceptions près. Quelques-un-e-s, membres d'un parti, disent être là à titre individuel, sans marque visible d'appartenance.

Le message du Collectif est clair : il s'agit de faire de l'information en distribuant des tracts à un maximum de rennaises et de rennais qui déjeunent en centre-ville. Pour une fois, donc, depuis de longues semaines, c'est bien à l'intérieur des petits rues, piétonnes ou pas, du fameux centre historique que s'engage le cortège d'une centaine de personnes, hommes ou femmes, la plupart plutôt jeunes.

Aux cris de « Boycottons Bagelstein, sexiste, raciste et homophobe » ou encore « Solidarité avec les féministes incarcérés » commence un petit jeu de cache cache avec les forces de l'ordre très largement déployées dans tout le centre ville et bien sûr surtout aux abords de l'enseigne incriminée. Une petite victoire pour les manifestant-e-s : les clients non plus ne peuvent pas accéder !

Les condamnés vont faire appel

 Dans le cortège, un élu municipal. « Je suis venu en soutien aux militants féministes qui ont été incarcérés ; je veux leur apporter ma solidarité pleine et entière – explique Jean-Marie Goater, adjoint EELV – La justice se targue de donner des peines proportionnelles, mais là, je pense qu'on a été au-delà du raisonnable. Cette situation n'est pas acceptable. On voit que sur nos nombreuses mobilisations, c'est cette politique-là qui a été choisie et je pense qu'elle n'est pas adaptée, ni pour aujourd'hui, ni pour la Marche des Fiertés. C'est un centre pour tous les habitants de cette ville et vouloir nous interdire d'y être et de manifester est une erreur ! » Des débats, dit-il, il y en a dans l'équipe municipale, mais jusqu'à présent sans résultat !

Il est plus de treize heures trente. Le cortège s'est considérablement réduit. A l'angle de la Place Sainte-Anne, un jeune homme se désespère : « Je regardais juste les manifestants, quoi, je suis un homme libre, je fais ce que je veux ! Ils m'ont demandé mes papiers. Ça fait deux fois que je me fais contrôler. L'autre fois, je discutais avec un ami, en marge d'une manifestation, ils m'ont gardé deux heures et demi à l'Hôtel de Police sans aucune raison ; on était quinze comme ça ! C'est un droit de manifester, non ? »

Le ciel est désespérément gris et le soleil ne paraîtra pas aujourd'hui. Les quatre jeunes gens qui attendent des jours meilleurs derrière les grilles de la prison de Vezin n'ont peut-être pas mobilisés beaucoup de monde ce midi, mais sur la pétition lancée pour les soutenir, les signatures augmentent. Et ils devraient rapidement faire appel de leur procès.

Il n'en restera pas moins que leur vie entière en sera changée. Et pendant ce temps-là, une certaine enseigne de restauration continue en toute liberté à emballer ses sandwiches dans du papier gras aux messages orduriers !

Geneviève ROY