Ne leur dites surtout pas qu'elles font de l'aéroboxe ou une quelconque pratique « adaptée pour les filles ».

Naouel, Céline et leurs copines font de la boxe, de la vraie. La même que les garçons.

Et parfois, elles sont même meilleures ; en tout cas, c'est l'avis de Jean-Claude Guyard, président du Club Pugilistique de Rennes VillejeanCPRV - qui défend avec conviction la boxe pour les filles.

A son goût, elles ne sont pas assez nombreuses à oser choisir cette discipline. « Cette année – dit-il – on a une quinzaine de filles ; j'aimerais bien qu'il y en ait le double. »

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Dans quelques minutes, l'entraînement va débuter. Les garçons commencent à s'échauffer dans le gymnase de Villejean, quartier nord-ouest de Rennes. Jean-Claude, le président, et sa femme Michelle, la trésorière, prennent le temps d'accueillir chacun et chacune. L'ambiance familiale, c'est un atout auquel les deux fondateurs du CPRV tiennent énormément.

Un petit air de défi

« J'avais envie d'un sport qui change - confie Céline, membre du club depuis trois ans – mes ami-es, mes parents m'ont d'abord dit : c'est violent, tu n'as pas peur de te prendre des coups ? » Dans cette famille habituée aux sports de combat - « mon père a fait de la boxe, mon oncle du karaté, mon frère du kung-fu » - Céline est la première fille à se lancer. Alors, forcément, il y a « une petite appréhension ». Trois ans plus tard, Céline a trouvé son équilibre. « J'ai été agréablement surprise – raconte-t-elle – La boxe apprend à canaliser la violence, à se maîtriser. »

Même son de cloche du côté de Naouel qui avoue être là « par défi ».  « Moi – dit-elle – j'ai toujours fait des sports entre guillemets masculins, alors ça n'a surpris personne ! Je voulais trouver une activité où je me défoule vraiment. Je ne suis pas du tout quelqu'un de violent, mais ça me permet d'évacuer un peu ma colère parfois ! »

Julie aussi avait besoin de se « défouler » dans une activité physique pour compenser la difficulté de ses études. Elle courait, mais, « toute seule, ce n'est pas très motivant » alors elle a elle aussi rejoint le CPRV revenant ainsi à ses premières amours sportives de l'adolescence. Un peu surpris au départ, elle n'avait alors que quatorze ans, ses parents lui avaient suggéré de choisir « un truc plus féminin. » « Evite de te blesser et amuse-toi ! » lui ont-ils simplement dit cette fois-ci. Aujourd'hui, comme ses copines, elle recommanderait ce sport à toutes les filles, quel que soit leur âge.

Loin de Rocky

guyard« Dans la boxe anglaise, il n'y a pas de violence - prévient Jean-Claude Guyard, le président du club  – Attention, il ne faut pas comparer avec les combats professionnels à la télé ! Ici, ça n'a rien à voir avec Rocky ! » Son credo à lui, c'est plutôt l'esprit de famille et la convivialité ; « si on a des champions, tant mieux, mais ce qui m'intéresse c'est d'abord le social » résume-t-il.

Quand une fille a des compétences, il n'hésite pas à la convaincre de s'engager dans la compétition, mais ce qu'il défend avant tout c'est le rôle essentiel du sport pour « se vider la tête » notamment pour les étudiant-e-s qui font, dit-il, des « études assez lourdes ».

Céline reconnaît que la boxe l'a changée. « Ça m'a donné confiance – dit-elle – je contrôle mieux mon corps et mes émotions. Je respire mieux. J'ai appris à mieux me connaître. » « On dit que la boxe est un sport masculin, mais dans la réalité, il y a beaucoup de filles qui en font » analyse Gaëlle qui ajoute : « le machisme, ça va de pair avec le racisme et ici, c'est multiculturel, alors... »

Une boxe plus « intelligente »

Les filles s'entraînent avec les garçons et ont le même entraîneur. « On fait exactement les mêmes exercices – explique Céline – les entraîneurs s'adaptent car les filles ont moins de force, mais quand on a un bon niveau on peut parfaitement affronter un garçon. »

Pour Jean-Claude, ancien champion de boxe lui-même dans les années 60, la plus grande différence entre les garçons et les filles, c'est le style. « Je suis sûr qu'il y a des filles qui pourraient donner des leçons aux garçons » s'amuse-t-il. Fervent adepte de la boxe au féminin, il trouve les combats des filles plus « intelligents ». « C'est plus réfléchi, c'est tactique, il y a de beaux enchaînements dans les gestes, de beaux déplacements » énumère-t-il avant d'ajouter, comme une excuse : « j'ai toujours aimé le style, moi. Je n'aime pas ceux qui arrivent pour faire mal. »

Le président du CPRV regrette que son sport ait si mauvaise réputation. Pour lui, l'image donnée par les professionnels en a fait « le dernier des sports » alors qu'avec son club de quartier il prône les valeurs de l'éducation populaire et de la mixité sociale. Il n'est pas rare d'ailleurs qu'à Villejean, un étudiant de Sciences Po reste après l'entraînement pour aider un petit à faire ses devoirs sur le banc du vestiaire.

Des entraîneures pour demain

boxe2Et c'est justement sur les femmes que Jean-Claude compte pour faire évoluer cette image de la boxe. « Elles sont sur les vélos, pourquoi elles ne seraient pas sur un ring ? » s'interroge-t-il à l'évocation des « autres anciens de la boxe » qui pensent que les femmes ne devraient pas s'y aventurer. Mais il précise : « on ne met pas une fille sur un ring comme on met un garçon ; ça prend un peu plus de temps. » Car si les filles selon lui « écoutent mieux les conseils » elles ont besoin de plus de temps pour « être prêtes dans leur tête ».

Peu de femmes sont aujourd'hui entraîneures, bien sûr, mais avec le développement de la boxe féminine, c'est aussi quelque chose qui devrait changer. Jean-Claude en rêve. « J'aimerais bien – dit-il – avoir un jour une jeune fille qui me dise : je veux passer mon diplôme. »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :

La boxe, un sport à découvrir, le 21 novembre à la Maison de Quartier de Villejean. Des combats masculins et féminins.

galaboxe

Au féminin : le Ladies Boxing Tour de la Fédération Française de Boxe est en tournée dans la France entière pour des galas intégralement féminins. Le 20 décembre, à Nantes.

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