Stanislas

 

Pour la clôture de sa saison, le 4 juin, la station théâtre de la Mézière (35) a choisi entre autres de programmer une lecture publique de l'Instruction de Peter Weiss par le Théâtre Berloul.

Une pièce choisie par Brigitte Stanislas, créatrice de cette compagnie, parce qu'elle croit à l'importance d'une cohérence entre ce que l'on est et ce que l'on fait. Et n'hésite pas quand il en manque à rajouter des rôles féminins dans les pièces qu'elle monte.

Et c'est sans doute aussi pour ça que cette comédienne-metteure en scène atypique a installé sa troupe en pleine campagne et opté pour un travail collectif entre des professionnel-les et des amateur-e-s.

 

« C'est un projet qui me touche fort, que je trouve essentiel mais aussi un gros projet avec beaucoup de monde ; ça fait un peu peur, mais il fallait le faire ! » Tout est dit. Pour Brigitte Stanislas, monter la pièce L'Instruction de Peter Weiss, relevait de la nécessité. Jeune comédienne, elle a elle-même joué un rôle dans cette pièce en 1983 puis en 1995. Et c'est avec une cassure dans la voix qu'elle se souvient de son personnage d'alors, une femme qui, lors d'un procès, raconte les expériences médicales auxquelles se livraient les nazis dans les camps de concentration.

« Il y a des choses qui ne peuvent être dites que par des femmes » estime Brigitte Stanislas qui a choisi d'adapter le texte initial de la pièce afin de créer des rôles féminins qui n'existaient pas à l'origine. « Dans la pièce, il n'y a que deux femmes – explique-t-elle – Mais il y a un juge, un défenseur, un accusateur ; on peut très bien dire que ce sont des femmes ! »

Elle fait reculer les limites

Car des femmes, la metteure en scène en a beaucoup dans sa troupe. Normal, elle a fait le choix étonnant de mêler comédien-nes professionnel-les et amateur-e-s et dans la seconde catégorie les femmes sont nombreuses.

Parce qu'elle veut faire du « lien entre ce qu'[elle] monte et ce qu'[elle] vit », Brigitte Stanislas a opté pour un travail collectif. Quand elle monte une pièce, elle ne choisit pas ses acteurs et ses actrices en fonction des personnages, mais plutôt le contraire. Ce fut le cas pour l'Instruction. « Je suis allée voir des gens que j'aime bien et que je sens sur le plan citoyen – raconte-t-elle - et il se trouve qu'il y a beaucoup de femmes dans ces gens-là ! » De même, pour monter le Médecin Malgré Lui, elle n'a pas hésité à choisir une femme pour le rôle de Sganarelle ! « Il y a plein de limites qu'on se met dans la tête – argumente-t-elle – quand on essaie de les pousser, ça recule ! »

Les limites, Brigitte Stanislas les trouve aussi sur son chemin quand elle veut financer un projet. Pour les producteurs, il y a trop d'amateurs dans sa troupe ; pour les théâtres amateurs, trop de professionnel-les ! « C'est compliqué – dit-elle – c'est à moi de m'adapter. Le rythme n'est pas le même non plus. Quand je travaille avec des professionnel-les, on se retrouve tous les quinze jours mais entre temps, le comédien ou la comédienne a continué à travailler son rôle. Avec les amateur-e-s, non seulement, ils n'ont pas travaillé mais il faut un peu refaire ce qu'on a déjà fait. Alors, c'est très long et très laborieux. » Résultat, elle pensait monter l'Instruction pour novembre 2016 ; ce sera sans doute un peu plus tard !

Elle invite Shakespeare dans son village

Mais, ces contraintes, l'artiste les aime bien finalement puisqu'elle a choisi d'implanter sa compagnie à Romillé et savoure cette chance de faire du théâtre dans son village. « Il faut inventer des formes pour que les portes soient ouvertes – dit-elle – et que les gens ne soient pas dans une compétition mais au contraire où chacun trouve sa place. »

En s'installant à la campagne, Brigitte Stanislas a compris que le succès du théâtre amateur repose non pas sur les pièces mais sur les comédien-nes. « Au début, les gens me disaient : tu vas voir, à chaque fois il y a plus de 200 personnes et moi, je faisais une création et j'avais à peine 80 spectateurs. Et on me disait : attention, Shakespeare, ils ne vont pas aimer. Je leur ai dis : ce n'est pas la pièce qu'ils viennent voir, c'est vous ! Et une fois qu'ils sont là, on peut tout leur faire apprécier, même Shakespeare ! »

Dix ans après, Brigitte Stanislas trouve ça « génial » et assure qu'elle tire beaucoup « de joie de ce travail » même si quand elle cherche des partenaires financiers pour monter un gros projet comme l'Instruction, elle s'entend dire : « mais, vous sortez d'où ? On ne vous connaît pas ! »

Aujourd'hui, elle regarde du côté des financements participatifs. Elle prendra le temps nécessaire, mais un jour ce ne seront plus des lectures publiques qu'elle proposera mais bien la pièce elle-même. Elle a déjà des idées très arrêtées sur une mise en scène originale qui mettra le public au cœur de l'action.

Geneviève ROY

Mise à jour du 14 octobre 2016 : pour participer au financement de la pièce "l'Instruction" : cliquez ici !