Depuis sa création voilà quatre ans, Breizh Femmes s'intéresse au travail de Martha Diomandé et de son association ACZA qui milite contre l'excision. Pour elle, s'opposer à l'excision, c'est d'abord accompagner les matrones – les exciseuses - vers d'autres pratiques qui permettent de respecter les traditions et d'assurer la formation des petites filles tout en se débarrassant de l'acte mutilant. C'est aussi proposer à ces femmes de rester des membres reconnues de leurs communautés.

Grâce à des campagnes de formation et à la construction de cases de naissance, ACZA est présente dans une quinzaine de villages en Côte d'Ivoire où commence à grandir une nouvelle génération d'enfants qui ne seront jamais excisées et de femmes épanouies dans leur mission d'accoucheuses.

« On ne force personne à venir accoucher dans nos cases – explique Martha Diomandé qui a répondu à quelques questions – mais les femmes qui viennent savent que leur enfant ne pourra pas être excisée. C'est un acte de courage pour elles de s'afficher ainsi. Leurs enfants appartiennent en quelque sorte à l'association. On les appelle les "enfants ACZA" ».

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Questions à Martha Diomandé :

Quelles sont les (bonnes) nouvelles d'ACZA ?

Notre travail avance à la fois en Côte d'Ivoire et en Bretagne. Grâce à notre opération de parrainage/marrainage mise en place ici, nous pouvons déjà accompagner en Côte d'Ivoire une cinquantaine d'enfants.
Depuis l'inauguration de notre première case des matrones à Kabakouma, il y a eu quarante naissances et nous avons pu vivre cette année notre première fête de génération pour les petites filles nées dans cette case et qui ne seront jamais excisées. Nous poursuivons nos formations notamment en partenariat avec Gynéco Sans Frontières qui nous assure la présence de sages-femmes pouvant seconder les matrones lorsqu'un accouchement est difficile. Nous avons beaucoup travaillé sur la légalité et l'hygiène avec GSF. Il nous faut encore améliorer nos installations pour que ça reste des cases traditionnelles, mais avec un pied dans la modernité. Les travaux sont en cours pour ouvrir une deuxième case ; ça veut dire qu'à chaque fois nous couvrons au moins cinq nouveaux villages. Nous avons à cœur de conserver le côté communautaire mais aussi il nous semble important de faire des cases un peu partout sur le territoire car l'excision ne pourra pas s'arrêter si c'est un seul village qui bénéficie de la case.
Enfin, une autre action nous occupe à Rennes, c'est l'accompagnement des femmes qui veulent se faire réparer et qui ont besoin d'en parler. L'hôpital leur propose de rencontrer un psy mais ce n'est pas de cela dont elles ont besoin. Quand on fait l'excision, elles sont prises en charge par les matrones ; on ne les lâche pas dans la rue ! Ici, après l'anesthésie, elles rentrent chez elles et elles souffrent. Mon souhait serait que l'hôpital désigne une association qui puisse accompagner ces femmes après la réparation. ACZA le fait déjà mais sans aucun moyen. Je les reçois chez moi bénévolement !

Comment la perception de votre combat évolue-t-elle ?

Le choses bougent. Avant, on généralisait trop l'excision ; les gens oubliaient le côté vraiment traditionnel. A force de dire aux femmes qu'elles étaient victimes, elles se croyaient victimes. Je n'ai pas voulu rentrer dans ce moule parce que je savais de quoi je parlais et je ne le regrette pas car j'aurais trahi mon pays et mes racines. Dernièrement je voyais des femmes qui portaient notre tee-shirt « non à l'excision » dans leur village. Pour moi, c'est énorme ! Je ne pensais pas qu'un jour on arriverait à ça ! ACZA poursuit son travail de sensibilisation dans le respect et les choses se font tranquillement. Sur les 150 femmes qui font partie de notre association en Côtes d'Ivoire, il n'y en a peut-être que soixante qui commencent à réfléchir et les autres qui ne sont pas encore prêtes à arrêter. Notre désir est de ne discriminer personne. Si on exclu celles qui continuent, on va créer deux clans : celles qui pratiquent encore et celles qui ne pratiquent plus. Actuellement, dix matrones sont devenues accoucheuses et ne pratiquent plus du tout l'excision. La présence même de ces femmes fait avancer les autres. Mais je continue à penser qu'il faut trouver autre chose pour remplacer l'excision. La pratique de couper, ça va s'arrêter, mais il faut garder le rituel et travailler avec les matrones pour qu'elles proposent autre chose, qu'elles développent le côté spirituel et mystique.

C'est ce que vous dites dans votre livre qui va paraître prochainement ?

Oui, c'est un livre qui explique ma méthode qui était rejetée jusqu'à maintenant et que d'autres associations aujourd'hui veulent mettre en application elles aussi. Je l'ai écrit avec Marie-Anne Divet et les éditions Histoires Ordinaires. Je voulais le faire depuis longtemps pour expliquer pourquoi des gens peuvent tenir à cette pratique de l'excision. Il permettra d'aller plus loin que le film « La Forêt sacrée » qui ne montre pas le pouvoir des matrones mais parle surtout de leur formation. Il ne s'agit pas d'expliquer l'excision, mais plutôt ce qu'une femme y gagne et que l'homme ne dit pas... C'est un livre qui apprend la vie !

Que devient le gala Miss Africa qui a eu lieu chaque année à Rennes pendant dix ans ?

Il aura lieu début 2018 ; nous ne le faisons désormais que tous les deux ans. L'organisation est prise en charge en grande partie par d'anciennes Miss Africa qui se sont engagées et sont devenues bénévoles à l'association. Ça reste un moyen de montrer aux gens d'ici nos actions en Afrique. Et une façon de sensibiliser sur l'excision notamment les jeunes filles d'origine africaine.

Propos recueillis par Geneviève ROY

Pour aller plus loin : Apéro parrainage (entrée : 5€ par personne) le jeudi 14 décembre de 19h45 à 21h 30 à l'Espace des Deux Rives à Rennes pour connaître les différentes actions d'ACZA et ses perspectives pour l'année 2018