Pour que le sport féminin de haut niveau puisse vivre, il lui faut des partenaires.

Des sponsors privés ou publics qui acceptent de financer les activités du club, mais aussi des employeurs qui permettent aux joueuses - rarement professionnelles à plein de temps - de poursuivre une formation ou d'avoir une activité professionnelle.

Pour la deuxième fois le Saint-Grégoire Rennes Métropole Handball (SGRMH) propose un temps d'échange avec d'autres clubs féminins de la région.

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Pour Murielle Guyomard, dirigeante du club, il s'agit de mettre « un coup de projecteur pour voir comment se débrouille le sport féminin pour exister dans l'élite du sport français ».

 

Mercredi soir, Olivier Dehaese, maire d'Acigné, sera là. Non seulement parce que le colloque organisé par le SGRMH se déroule dans la salle de sa commune, le Triptik, mais aussi parce qu'il viendra témoigner de ce qu'une sportive de haut niveau peut apporter à un employeur. Depuis trois ans, Nadège Konan, gardienne de but du SGRMH, travaille au service périscolaire de la commune comme animatrice.

Son employeur loue « sa maturité, son autorité naturelle, son sens du collectif » ; autant d'atouts qu'elle a pu développer d'après lui grâce au sport de haut niveau et qu'elle peut désormais « transmettre aux enfants et aux jeunes. » « Je ne suis pas sûr – dit encore l'élu – qu'il y ait de la place pour toutes les joueuses dans le sport de haut niveau et c'est bien qu'elles se préoccupent assez tôt de l'après et d'avoir un horizon plus large. »

Murielle Guyomard ne dit pas autre chose. Elle-même ancienne sportive de haut niveau et aujourd'hui dirigeante du SGRMH, un club qu'elle veut « responsable », met toute son énergie à valoriser les joueuses et à leur permettre à la fois de pratiquer leur sport dans les meilleures conditions et de préparer leur avenir personnel. Elle répond à nos questions.

Breizh Femmes – Quels sont les objectifs du colloque ?

SGRMH2Murielle Guyomard – L'intitulé de notre événement c'est : « sport féminin de haut niveau, entreprises et territoires ». C'est une deuxième édition ; on prend les mêmes et on recommence ! Seront présents le foot féminin, l'En-Avant Guingamp qui est au plus haut niveau français, la D1 ; le volley féminin pro A de Nantes et le hand avec notre club de Rennes Saint-Grégoire. L'idée c'est de faire un point de situation deux ans après, de comparer les structurations des clubs, les budgets, les masses salariales, etc. C'est tellement variable d'un territoire à l'autre que c'est intéressant de voir comment chacun s'organise au niveau marketing notamment. On va mettre un coup de projecteur pour voir comment se débrouille le sport féminin pour exister dans l'élite du sport français. On a demandé à chaque club invité de venir avec un de ses sponsors qui va pouvoir témoigner. On a tous des valeurs, chacun fait ce qu'il peut dans son club pour apporter des recettes avec les cotisations, les subventions, etc. mais aujourd'hui, dans un contexte de baisse des aides publiques, ce sont les partenariats privés qui font la différence.

BF – Qu'est-ce qui peut donner envie à des partenaires de financer le sport féminin ?

MG – C'est ce qu'on va voir mercredi ! J'ai déjà quelques réponses, enfin, des suppositions. Je pense que ce sont souvent des coups de cœur ! Pour les petits clubs, ceux qui sont en dessous des niveaux N1, N2, N3, c'est compliqué parce qu'ils ne bénéficient pas de communication importante, que les médias ne les suivent pas et que c'est difficile pour eux de remplir les salles. Je pense que j'ai compris assez tôt que pour valoriser le sport féminin il fallait faire de chaque match un événement. Il faut vendre plus que du sport, il faut vendre un spectacle, avoir une billetterie, une belle salle... et c'est valorisant pour les partenaires en même temps !

BF – Autrement dit quand les infrastructures sont à la hauteur, les résultats des clubs suivent !

MG - Tout à fait ! En 2015, nous avions avec nous le club de basket de Landerneau qui est en D2. Et bien, si les filles ne peuvent pas venir cette année, c'est parce que depuis la rentrée dernière elles ont une nouvelle salle. Et bizarrement, il y a une nouvelle dynamique. La salle est pleine et les filles ont des résultats ! Malheureusement, les infrastructures, c'est un souci majeur en France. Le haut niveau exige de nombreux créneaux horaires pour les entraînements et si les clubs partagent leurs salles forcément ça prend sur la pratique des petits ; il faut que tout le monde arrive à faire sa place. Ça va être riche de comparer toutes les organisations mises en place par les clubs pour vivre ou survivre !

BF – Pourquoi n'avoir invité que des sports collectifs ?

MG– Parce que c'est plus facile de comparer ce qui est comparable ! On s'est rendu compte que nos clubs avaient à peu près les mêmes préoccupations, les mêmes difficultés. Et puis, c'est aussi une forme de fidélité par rapport à notre première édition. C'est une occasion de renouer le contact.

BF – Quels sont vos autres invité-e-s ?

MG – La soirée sera animée par Géraldine Pons, journaliste à Eurosport. Nous aurons une intervention de Mélissa Plaza, ancienne internationale de foot qui va planter le décor de l'égalité hommes/femmes mais aussi dire ce que le sport lui a apporté pour construire son projet professionnel. Et puis, nous aurons Emilie Sery, présidente de l'association Dames de Sport qui travaille à Nantes pour la promotion du sport féminin. Je pense qu'elle va nous donner des idées et j'aimerais bien qu'à l'issue de notre soirée, quelques personnes se lèvent dans la salle pour dire : et si on faisait la même chose dans la métropole rennaise ou sur le département !

BF – Des chef-fe-s d'entreprises seront également là mercredi, qu'en attendez-vous ?

MG – Il y a différentes façons pour eux de contribuer au projet d'un club sportif. On va mettre en avant des témoignages d'entreprises qui ont recruté des sportives de haut niveau. Et nous aurons Benoit Moneuse, un ancien joueur de rugby du Racing qui travaille maintenant dans l'insertion et la reconversion professionnelle des sportifs de haut niveau.

BF – Est-ce une vraie difficulté pour une sportive de se reconvertir ?

MG – Je crois que c'est peut-être moins difficile pour les filles que pour les garçons. Souvent, elles sont plus lucides sur la réalité d'une courte vie de sportive, sur une blessure éventuelle. Elles savent que si elles n'ont rien entre les mains, ça va être compliqué. Et puis, pour elles, la carrière s'arrête souvent plus tôt que pour les hommes avec la maternité. Elles sont un petit peu dans les antichambres du professionnalisme. Si les clubs ont de l'argent, les filles sont à plein temps, elles s'entraînent, vont chez le kiné, etc. elles ne font que ça. Ca peut d'ailleurs, comme pour les garçons, les éloigner un peu de la « vraie vie » mais elles sont disponibles. Par contre, les filles qui jouent en semi-professionnelles comme dans notre club forcent mon admiration parce qu'elles ont le statut de handballeuses et sont en même temps lycéennes, étudiantes ou salariées. Et l'entraîneur doit gérer toutes ces situations ! Mais on y arrive parce qu'elles aiment ça et que c'est le projet de leur vie !

BF – Comment le club peut-il les aider ?

MG – Quand vous n'êtes pas un club complètement professionnel, il faut être imaginatif, avoir du monde autour de soi. Nous sommes un club responsable dont l'objectif est que les filles puissent s'épanouir sportivement parlant mais être aussi épanouies dans leurs projets professionnels. On essaie d'avoir toujours des gens bienveillants autour du club pour leur trouver un stage, une expérience professionnelle, un contact pour valider un projet de formation, etc. C'est mon job d'aller dans les réseaux, de serrer des mains, de faire connaître le club. Toutes les filles, on sait où elles sont, ce qu'elles font et s'il y a un souci, on est là et c'est le club qui ouvre son carnet d'adresses !

Propos recueillis par Geneviève ROY

Pour aller plus loin :
Le SGRMH propose un autre rendez-vous en mars. Comme tous les ans, et pour une neuvième édition, le dimanche 26 mars, match événement « Nous, Vous, Elles » à partir de 16h à la salle de la Ricoquais à Saint-Grégoire. Présence d'un stand de Femmes de Bretagne. Entrée gratuite pour les femmes. Pour en savoir plus : voir le site du SGRMH.