On ne parle plus de congé parental mais de CLCA ; comprenez : congé de libre choix d'activité ! Jeu de mots subtil car le choix n'en est pas toujours un ; 30% des personnes concernées sont sans emploi au début du congé et au moins 38% le resteront plusieurs mois après la fin du congé. En Bretagne les bénéficiaires du CLCA sont à plus de 80% des femmes. Quand arrive l'heure de reprendre une activité, c'est souvent pour elles le début de la galère à plus forte raison si le nombre d'enfants est important, la qualification faible et s'il s'agit d'une famille monoparentale. Autant d'obstacles que la nouvelle loi sur l'égalité femmes/hommes entend lever. Territoire d'excellence depuis décembre 2012, la Bretagne se prête depuis quelques mois à l'expérimentation d'un accompagnement personnel pour ces femmes en phase de retour à l'emploi. A Rennes, en partenariat avec la DRDFE, la CAF, Pôle Emploi et le Fonds social européen, le CIDFF accompagne une trentaine de femmes. Claire, Emilie et Jessica en font partie. Elles reconnaissent que c'est pour elles une véritable chance.

Pour Christine Gardien et Mathilde Jacques, conseillères à l'emploi au CIDFF 35, l'objectif est clairement défini : ne pas attendre l'entrée à l'école de l'enfant le plus jeune pour se poser la question du retour à l'emploi mais l'anticiper durant la dernière année du congé parental. Contactées par la CAF, près de 100 femmes concernées ont ainsi été invitées en septembre et novembre 2013 à des réunions d'informations. Le CIDFF leur proposait 30 places pour des accompagnements personnalisés. Il n'a pas été bien difficile de trouver autant de volontaires. Des femmes âgées de 30 à 45 ans et porteuses de tout type de projets professionnels ; mais surtout des femmes suffisamment motivées pour accepter la contrainte d'entretiens collectifs ou individuels en alternance au moins une fois par semaine auxquels s'ajoutent les journées de découverte des métiers et les stages en entreprises. Et pour une meilleure disponibilité, le CIDFF a pensé à tout ; grâce aux subventions du Fonds social européen, il finance même les modes de garde pour les enfants les plus jeunes.
« La date butoir est fin juin – rappelle Mathilde Jacques – mais l'objectif étant le retour à l'emploi, ça peut s'interrompre à tout moment si elles trouvent un travail. » Ce qui d'ailleurs a déjà été le cas de plusieurs d'entre elles. Pour d'autres, ce sera plus long et elles devront passer par le bilan de compétences ou la recherche de formations qui nécessitent souvent des délais d'attente.

« La maternité peut donner confiance en soi »

cidff1Claire, mère de cinq enfants de 13 à 3 ans, en congé parental depuis de nombreuses années, estime que les contraintes liées au dispositif proposé par le CIDFF sont plutôt une chance. « C'est bien que ça prenne du temps – dit-elle – parce que ça nous donne déjà un avant goût du nouvel investissement qui va être le nôtre. » Et Jessica, 34 ans, mère de deux petites jumelles de deux ans et demi de renchérir : « seule, on a parfois tendance à reporter les choses ; on se dit qu'il faut écrire ou envoyer un CV mais on attend ; là, on n'a pas le choix ! »
Emilie de son côté, militaire jusqu'au premier anniversaire de sa deuxième fille, veut profiter de l'occasion pour se réorienter. « Quand je me suis engagée, j'avais 20 ans et j'étais célibataire, c'était fabuleux – témoigne-t-elle – mais quand les enfants sont arrivées – Maélys, aujourd'hui 4 ans et demi et Héloïse qui vient d'avoir 3 ans – j'ai constaté que la vie militaire et la vie de famille n'étaient pas vraiment compatibles. J'ai profité d'arriver en fin de contrat pour prendre un congé parental, ça m'a permis de me ressourcer. On était à Saint-Dizier et mon mari a été muté à Rennes l'été dernier. Je me suis retrouvée dans une région nouvelle où je ne connaissais personne et aujourd'hui j'ai besoin de retrouver une vie sociale. »
Toutes les trois en effet soulignent ce besoin qui semble prédominant dans leur recherche d'emploi. Si elles sont unanimes sur le côté positif du temps passé avec leurs enfants et du bonheur de les voir grandir au jour le jour, elles reconnaissent néanmoins le manque de valorisation du rôle de mère au foyer. « Quand on est à la maison, on a tendance à se dévaloriser – raconte Jessica – Et puis grâce au bilan de compétences on s'est aperçues qu'on n'était pas si nulles, qu'on avait encore des choses à donner. »
cidff2Un sentiment peut-être atténué par les années. « Quand j'étais plus jeune, j'avais tendance à idéaliser le monde du travail et les femmes qui travaillaient – se souvient pour sa part Claire – je me suis aperçue que vraiment je n'avais pas moins de mérite et pas moins de compétences et que même à la maison, j'étais en situation d'acquérir de nouvelles compétences. Etonnamment, la maternité peut donner confiance en soi ! »

« Mon mari m'a incitée à y aller »

Reprendre à travailler, c'est semble-t-il à la fois une envie et un besoin. Claire, Jessica et Emilie ont toutes les trois adhéré au projet du CIDFF à l'issue de la réunion d'informations. Elles parlent d'abord d'une envie de retrouver une place dans la société mais elles reconnaissent aussi que les impératifs financiers ne sont pas étrangers à cette recherche d'emploi.
« Quand j'étais à l'étranger, la question ne se posait pas – dit Jessica après cinq ans d'expatriation en Chine – Ici, mon mari a toujours un bon poste, mais la vie est plus chère, les conditions ne sont plus les mêmes ; on a des projets immobiliers ; si on veut acheter une maison, il va falloir que je retravaille, ça s'impose ! Et puis c'est vrai qu'au bout d'un moment, parler à un enfant de deux ans toute la journée, ne pas avoir d'autres conversations, ça donne envie de reprendre une place dans la société, un autre statut !»
Claire, elle, est obligée de tenir compte de sa famille nombreuse. « A moyen terme – dit-elle – il va être important que je recommence à travailler pour financer les études des enfants. Pour le reste, je ne me sens pas enfermée chez moi, j'ai beaucoup de liens. L'idée de retravailler trottait dans ma tête depuis toujours mais elle aurait encore pu trotter quelques années. Et puis, j'ai reçu la lettre de la CAF. C'est mon mari qui m'a incitée à y aller ; je ne crois pas que j'y serais allée spontanément.»

« On tisse du lien et ça n'a pas de prix »

cidff3A les entendre, on sent bien que les échanges d'expériences et les partages de réseaux ne sont pas moins importants pour le groupe que les informations apportées par les professionnelles. Il y a les visites à l'Exploratoire mais aussi les contacts d'amis ou de parents qui font déjà tel ou tel métier ; il y a les conseils d'écriture de CV ou de lettre de motivation mais aussi les temps informels.
« C'est déjà une vie sociale qui commence » dit Emilie ; et Jessica enchaîne : « On tisse du lien entre nous et ça, ça n'a pas de prix ; ça nous a permis d'avancer » et de découvrir à la fois le marché de l'emploi rennais et les différentes structures qui existent sur le territoire.
Ainsi, grâce à l'atelier de découverte des métiers de la logistique, la jeune femme envisage avec le sourire une nouvelle voie alors que seule, elle se serait contentée de chercher un poste de monitrice-éducatrice d'enfants, travail pour lequel elle est formée. « J'avais déjà envoyé des CV – dit-elle encore – et j'aurais continué à faire des démarches toute seule, mais c'est un plus qui s'offre à nous. Quand on est un peu perdues ou au creux de la vague parce qu'on ne reçoit pas de réponses, Mathilde nous reçoit en rendez-vous ou on en parle entre nous et ça nous remotive. Moi, j'ai eu une révélation ; je n'aurais pas osé me lancer toute seule, mais là, je sens que je suis soutenue, alors j'ose ! »
Un dispositif rassurant donc et qui permet d'élargir les recherches. Au bout de plusieurs mois d'accompagnement et alors que vont débuter les stages en entreprises suivis par la société Buroscope, Emilie, Jessica, Claire et les autres commencent à voir se dessiner leur avenir professionnel. « On nous a offert ça sur un plateau – se réjouit Claire – J'aurais été très restrictive dans ma façon de m'orienter ; ce n'est pas rien d'être accompagnée par quelqu'un qui nous aide à voir qui on est, quelles sont nos compétences, etc. Ca ne se fait pas tout seul, c'est sûr qu'on a besoin des autres ! »
Pour l'ancienne militaire les choses iront peut-être plus vite que prévu puisqu'elle attend deux réponses de la SNCF pour des postes d'agent commercial tout en s'interrogeant sur les métiers de la bibliothèque.
Jessica s'est inscrit au concours d'ambulancière et commence à préparer les entretiens qui l'attendent.
Quant à Claire, elle a du mal à abandonner son ancien métier de correctrice dans l'édition mais regarde tout de même du côté de l'insertion professionnelle tout en assurant ses arrières avec des suppléances dans l'enseignement.
« On sait qu'on est accompagnées jusqu'au 30 juin – commence Emilie – mais si on peut quitter avant parce qu'on a trouvé du travail.. » « Oui, c'est l'idéal – poursuit Jessica – On s'aime bien, mais on garde notre objectif en tête qui est le retour à l'emploi ! » Et Claire de conclure : « Et puis, c'est assez encourageant de voir ces femmes partir au fur et à mesure, je trouve que c'est plein d'espoir ! »

Geneviève ROY