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La saison des Mardis de l'Egalité de Rennes 2 s'achève. Cette troisième édition fut l'occasion d'ouvrir la réflexion sur la place des femmes en politique ou dans le cinéma, les discriminations dans le sport ou encore pour la dernière rencontre début avril de retracer avec Fanny Bugnon l'histoire des ouvrières des sardineries de Douarnenez.

En mars, l'équipe organisatrice avait choisi de s'intéresser aux parcours de femmes engagées au quotidien pour l'égalité.

Anne Patault, pour la Région Bretagne, et Geneviève Letourneux, pour la ville de Rennes, ont livré leurs témoignages.

 

« Quand ma mère a commencé à travailler, c'est elle qui payait les études de mon père mais elle ne pouvait pas avoir de compte en banque » raconte Anne Patault, vice-présidente de la Région Bretagne, en charge de l'égalité. Elle dit faire partie de cette génération de femmes qui a « accompagné des amies sur la table de cuisine d'étudiants en médecine » et pour qui la loi Veil, en 1975, a changé beaucoup de choses.

Elle a aussi été de celles qui ont dû prouver à l'excès leurs compétences pour obtenir leur place dans le monde du travail. « J'avais intériorisé sans doute depuis toujours – dit-elle – qu'il fallait que je fasse mes preuves et avec du recul je me dis que je menais ma vie un peu comme un mec ! » Ses expériences professionnelles où elle a dû recruter, manager, l'ont, dit-elle, « beaucoup fait réfléchir à ce qu'était la condition féminine avec ses injonctions à tout réussir ». « Ça m'inspire beaucoup maintenant dans mon mandat - reconnaît-elle encore – et je suis convaincue que c'est le monde qu'il faut changer et non pas les femmes. »

Une question de femmes : « en suis-je capable ? »

De son côté Geneviève Letourneux qui a abordé l'égalité par la porte du militantisme et avec « la conviction que l'ordre inégal n'est pas immuable » avance que « la question de l'égalité amène à la reconnaissance des singularités et finalement à de la créativité pour une transformation des normes. » « Il faut proposer – dit-elle – des représentations alternatives, des modèles, des références ».

agir2C'est tout le sens que mettent les deux élues dans leur engagement pour l'égalité au quotidien. Même si elles pointent que leur façon d'aborder les questions n'est pas la même que celle des hommes. « J'ai toujours considéré que tout était politique – explique Geneviève Letourneux – mais qu'il n'y avait pas que la politique dans la vie. Une certaine mise à distance protectrice mais aussi réductrice, car en termes d'ambition, je n'étais pas très équipée. »

« Je me suis engagée à l'époque où on cherchait des femmes ; j'y suis allée avec la naïveté et la légèreté dont je peux être capable parfois » dit encore Anne Patault qui aussitôt apporte une nuance. Comme beaucoup d'autres femmes, ce n'est pas sans réfléchir qu'elle a accepté certaines responsabilités et souvent après avoir ouvertement posé la question : « mais, en suis-je capable ? » « Il n'y a que les femmes pour se poser cette question – dit-elle aujourd'hui – les hommes y vont tout simplement. C'est une sorte de plafond de verre, en tout cas un ralentissement à ce qu'on pourrait donner si on se libérait un peu plus ».

Pour chaque avancée, une réaction ; « ne jamais baisser la garde »

Les deux élues en sont convaincues : si les avancées sont importantes en termes d'égalité, rien n'est jamais acquis. « Chaque fois qu'on avance, il y a de la réaction – insiste Anne Patault – D'ailleurs on vit dans un monde où on voit bien que certains pays régressent. Il ne faut jamais baisser la garde surtout en ce moment ; c'est une question politique et ce n'est jamais neutre. On ne peut pas juste se dire : le reste se fera tout seul. » Elle sait de quoi elle parle, elle qui doit faire face au Conseil Régional à des élu-e-s « qui ne voient pas les choses comme ça » et proposent régulièrement de supprimer le budget égalité.

agir3Elles le disent également : l'égalité n'est ni l'affaire de spécialistes, ni celle des femmes seules. « L'égalité énerve parfois en politique » juge encore Anne Patault qui dit passer souvent « pour la mouche du coche, l'emmerdeuse » pour qui cette question est devenue « obsessionnelle ». Mais « l'erreur – estime-t-elle – serait de penser que je porte une politique d'égalité à moi toute seule alors qu'on ne peut travailler cette question qu'en colonisant toutes les politiques sectorielles. Le comble de la réussite ce sera le jour où la délégation égalité pourra disparaître parce qu'elle sera totalement incluse ! »

En écho, Geneviève Letourneux défend l'idée qu'il faut pour plus d'égalité ne pas oublier de « questionner les normes de la masculinité ou d'une certaine forme de virilité » parce que dit-elle, « le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes concerne les femmes ET les hommes et ne se fait surtout pas les unes contre les autres ».

Geneviève ROY

Numérique cherche cerveaux féminins

Egalement invitée de la table ronde, Magali Benchikhoune, déléguée Bretagne de l'association Femmes Ingénieurs a insisté sur l'importance des modèles pour avancer vers l'égalité. Avec son association, elle a dit-elle, « envie de transmettre » : « Très peu de filles veulent travailler dans les métiers scientifiques et techniques. Les pourcentages sont les mêmes que dans les années 80 quand j'ai fait mes études. Dans les métiers du numérique, on ne trouve que 20 % de femmes, voire 10 % dans certains domaines. On a besoin de montrer des modèles pour faire changer les choses et éviter que ce qui fera nos vies demain soit conçue à 80 % par des cerveaux masculins. Il y a une carte à jouer, il faut trouver les moyens pour que ça passionne les filles. Avec Femmes Ingénieurs, on a constaté qu'il fallait agir le plus tôt possible. On essaie désormais d'orienter nos actions vers les classes primaires. »